conférence du vendredi 14 mars 2014
La transition iconomique : une nouvelle vague de croissance
Intervention de Michel Volle dans le cadre de la conférence de l’institut de l’iconomie du vendredi 14 mars 2014, qui s’est déroulé au siège Axa, en partenariat avec le CIGREF et le groupe Xerfi.
Dans une entreprise, dans une institution ou dans un pays, la fonction du stratège est d’indiquer une orientation, de poser à l’horizon du futur un repère qui oriente les volontés et les actions.
Aucune prospective, aucune stratégie ne pouvaient être pertinentes au XIXe siècle si elles ignoraient la mécanique et la chimie. Aucune ne peut l’être aujourd’hui si elle ignore l’informatisation. Dans le monde que celle-ci fait émerger, l’Iconomie est un repère.
Les machines mécaniques ont percé les montagnes pour le chemin de fer, ont été les auxiliaires de la main d’œuvre sur les chaînes de fabrication et des jambes pour les transports, ont industrialisé l’agriculture avec la chimie des engrais. L’informatisation transforme elle aussi la nature à laquelle sont confrontées les actions et les intentions car elle met en œuvre une ressource naturelle inépuisable : le cerveau humain. Ceux qui ignorent cela ne peuvent rien comprendre au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Jeremy Rifkin a donc tort lorsqu’il dit que la « troisième révolution industrielle » est celle de la transition énergétique, car celle-ci ne peut se concevoir qu’en tenant compte de la transition iconomique.
Après une révolution industrielle la macroéconomie est inopérante parce que les facteurs de crise résident dans la microéconomie, dans l’intimité des organisations et des processus : c’est là qu’il faut aller les dénicher.
L’informatisation a en effet des conséquences dans l’économie des entreprises, la psychologie des personnes, la sociologie des pouvoirs, la philosophie des techniques de la pensée et jusqu’aux valeurs qui orientent le destin des personnes, celui des institutions et celui des nations.
Si la technique apporte un Big Bang qui a transformé la nature, les conséquences de ce Big Bang outrepassent donc la sphère de la technique. Les blocages que l’informatisation rencontre s’expliquent par la crainte que ces conséquences suscitent.
C’est que l’informatisation invite chaque pays, chaque institution, chaque entreprise, chaque personne à approfondir ses valeurs, ses priorités, son identité. Pour conquérir le savoir-faire et le savoir-vivre qui sont nécessaires dans le monde qu’elle ouvre, il faut se poser des questions fondamentales : qui sommes-nous ? Que voulons-nous faire ? Et, plus profondément, qui voulons-nous être ?
Quel est donc le positionnement qu’ambitionne une entreprise ? Quelles sont les missions de chaque institution ? Quelle est, dans le concert des nations, la personnalité que doit exprimer chaque pays ? Voilà les questions auxquelles un stratège doit répondre.
Comment se déclinent-elles pour une entreprise ?
Dans l’Iconomie, les produits sont des assemblages de biens et de services, chacun étant élaboré par un partenariat. La cohésion de l’assemblage et l’interopérabilité du partenariat sont assurées par le système d’information, devenu le pivot de l’entreprise.
La mécanique, la chimie, l’énergie n’ont certes pas disparu mais elles se sont informatisées – tout comme l’agriculture s’est mécanisée et chimisée au XIXe siècle. Une entreprise agricole est alors restée une entreprise agricole mais la mécanique est devenue son premier outil. Dans l’Iconomie, une entreprise agricole reste une entreprise agricole, mais l’informatique devient son premier outil. Il en est de même pour l’énergie, les transports et aussi la mécanique et la chimie. En fait, pour tous les secteurs.
Industrialiser aujourd’hui, c’est informatiser.
L’emploi disparaît des usines, fortement automatisées ; il se condense d’une part dans les tâches de conception qui précèdent la production, puis d’autre part dans les services qui permettent au produit de dégager des effets utiles entre les mains des clients.
Plus qu’une économie de la connaissance ou de l’information, l’Iconomie est donc une économie de la compétence : la main-d’œuvre est remplacée par le cerveau-d’œuvre. Il en résulte que les relations entre les personnes, entre les spécialités et entre les entreprises ne peuvent plus obéir au schéma hiérarchique ni au rapport de sous-traitance : l’échange que nous avons nommé « commerce de la considération » s’impose, car un cerveau qui n’est pas écouté cessera bientôt de fonctionner.
La concurrence est mondiale et violente. Chaque entreprise doit ambitionner de conquérir une position de monopole temporaire sur un segment des besoins, de le protéger, puis de le renouveler par l’innovation. Dans l’Iconomie, le moteur de l’innovation tourne à plein régime à condition qu’il soit régulé de telle sorte que le monopole temporaire dure assez longtemps pour rentabiliser l’innovation, mais pas trop longtemps car l’entreprise s’endormirait sur ses lauriers.
Tout cela implique une adaptation difficile. Les plus grandes entreprises, notamment, sont handicapées par une organisation qui était adaptée à l’économie antérieure. Elles sont bousculées par des nouveaux venus plus agiles.
Ce monde bouillonnant et violent suscite des tentations auxquelles l’informatique offre des outils puissants : sans elle, la Banque n’aurait pas pu commettre les mêmes folies, et le blanchiment serait beaucoup moins efficace. Les possibilités qu’offre l’informatisation sont donc accompagnées de dangers pour l’État de droit et la démocratie.
C’est pourquoi la question stratégique s’adresse non seulement aux entreprises, agents de l’économie, mais à la société tout entière.
On entend souvent dire que la France est trop petite pour agir par elle-même et que l’informatisation n’est possible qu’au niveau de l’Europe tout entière. Mais comment font donc des pays comme la Finlande, la Suède, le Danemark, Singapour et la Corée du Sud, tous plus petits que la France et pourtant classés devant elle pour la qualité de leur informatisation ?
Nous ne serons certes jamais assez reconnaissant envers les Américains pour ce qu’ils ont apporté en informatique et en ingénierie. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de définir une Iconomie qui soit la nôtre, car nous n’irons pas loin si nous nous contentons de singer les Américains.
Chaque pays doit trouver dans son histoire, dans sa culture, le ressort qui lui permettra de construire son Iconomie. L’affaire touche en effet les ressorts les plus intimes de l’anthropologie et elle est donc trop profonde pour qu’on puisse se contenter d’un placage, fût-il intelligent.
Ici l’État a un rôle à jouer. Il doit veiller à informatiser les grands systèmes de la nation – le système de santé, le système éducatif, le système judiciaire – à la fois pour donner l’exemple et pour gagner en efficacité. Une informatisation raisonnable du système de santé permettra de combler le « trou de la sécu » tout en améliorant la qualité des soins, une informatisation raisonnable du système éducatif contribuera à la qualité scientifique de la pédagogie tout en éduquant les jeunes au monde d’aujourd’hui.
Les risques que l’informatisation fait courir à l’État de droit et à la démocratie doivent par ailleurs recevoir une réponse législative et judiciaire qualifiée.
Enfin, la régulation doit tenir compte de la forme qu’a prise la concurrence : la concurrence parfaite et le libre-échange ne sont plus les critères de l’efficacité dans une économie où il faut conquérir et défendre des positions de monopole, développer des compétences, innover et défendre les innovations – et ceux qui se cramponnent à ces critères, comme le font la Commission européenne et l’OCDE, tournent le dos à l’Iconomie.
Nous autres Français avons dans l’Iconomie des avantages comparatifs dont il faut prendre conscience. Les étrangers disent que nous sommes un pays bizarre car chez nous rien ne marche et pourtant tout marche. Alors que les organisations sont boiteuses et les systèmes d’information déficients, le fonctionnement d’ensemble n’est pas inefficace.
Cela tient à cette « logique de l’honneur » qu’a évoquée Philippe d’Iribarne, à ce goût de la belle ouvrage, à cet esprit d’initiative que l’on rencontre sur le terrain, à tous les niveaux, dans nos entreprises et nos institutions. Le mot « débrouillardise », qui nous est tellement familier, est intraduisible dans les autres langues.
Cet esprit actif, responsable, est celui de nos entrepreneurs et des animateurs qui, dans les entreprises, font en sorte que ça marche. Or ce goût de l’action efficace, du produit de qualité, c’est justement ce dont l’Iconomie a besoin pour s’épanouir.
La logique de l’honneur et le sens de la dignité personnelle qui l’accompagne sont selon d’Iribarne l’héritage le plus précieux de notre République, celui auquel chacun de nous tient le plus. C’est là une force latente, un ressort comprimé et qui ne demande qu’à se détendre dans les volontés pour peu que l’horizon de l’Iconomie leur soit clairement présenté par un stratège légitime.
Michel Volle
Michel Volle (Polytechnique - ENSAE) économiste, a été responsable des statistiques d'entreprise et des comptes nationaux trimestriels à l'INSEE puis chief economist au CNET (Centre Nationale d'Etudes des Télécommunications) avant de créer des sociétés de conseil en système d'information. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages.
Le début de l’ouvrage est réellement excellent, les trois premiers chapitres sont une très bonne description de la pauvreté et la méconnaissance de l’informatique dans l’économie moderne et ses apports en terme de culture digital.
La suite c’est une catastrophe, l’auteur n’a aucune connaissance de l’informatique moderne, ils nous parlent d’une informatique totalement dépassée. Merise, UML, datawarehouse, etc. Alors que nous sommes une informatique décentralisée, NoSQL, bigdata, les spécifications UML lourde et inutilisable ont disparu pour laisser la place au Lean Startup.
Nous avons même droit au plan pluri-annuelle de l’urbanisation du SI 🙂 Impressionnant, alors que justement c’est la fin, on ne fait pas du bâtiment ! mais de l’informatique en perpétuel mouvement pour être en résilience sur un marché changeant.
Le chef de projet est remplacé par le produit Owner. Nous avons même droit dans l’ouvrage à la MOA et MOA, quand on sait que c’est ce célèbre couple qui est la cause de la non-qualité des produits, des couts exorbitants des projets…
Le mouvement Agile qui envahi actuellement les entreprises, la systémique, l’école de Palo Alto, etc., tout ce qui modifie la structure de l’économie des sociétés et qui sont justement l’Iconomie sont totalement absent de cet ouvrage.
Désolé Monsieur, mais votre ouvrage est déjà loin de ce que nous faisons actuellement dans les entreprises françaises.
Venait nous rencontrer, nous vous présenterons ce que nous faisons en terme d’Agilité