Article rédigé par Christian Saint-Etienne, paru dans le journal Le Monde, le 19 mars 2012.
La France est en train de devenir le maillon faible de la zone euro. En dépit de quelques réformes significatives (réforme des retraites, Crédit d’impôt recherche, réforme des universités, etc.), la situation économique de la France devient de plus en plus délicate.
Le déficit public structurel est de 4 points de PIB, le déficit de la balance courante des paiements de 3 points de PIB et la part de la production industrielle dans le PIB a chuté de 30 % de 1998 à 2011. La part de nos exportations dans les exportations mondiales a baissé de 40 % sur la même période. L’excès de nos dépenses publiques devient terrifiant, soit 8 points de PIB de plus que la moyenne des autres pays de la zone euro en 2011 et 9 points en 2012 !
Il faudrait baisser les dépenses publiques de 20 milliards d’euros dans chacune des trois années 2012 – 2014 et les geler ensuite en volume pendant trois ans. Les programmes des deux candidats du second tour, annoncés par les sondages, ne préparent absolument pas l’opinion à une telle évolution. L’un de ces deux candidats annonce 45 milliards de hausses d’impôts pour financer 20 milliards d’augmentation des dépenses publiques, tandis que l’autre, plus prudent, est peu explicite sur ses intentions en matière de finances publiques.
Tout porte à penser que l’année 2012, avec une prévision de baisse du PIB de la zone euro selon la Commission européenne, ne sera pas simple à gérer quel que soit l’élu.
C’est le déficit du commerce extérieur qui est le signe le plus inquiétant de l’effondrement relatif de notre base productive. Ce déficit a atteint 3,5 % du PIB en 2011 quand les excédents allemands atteignent le double en points de PIB ! Le taux d’activité de la population est très faible : il nous manque trois millions d’emplois productifs marchands pour retrouver une position compétitive moins calamiteuse.
Or, le candidat annoncé victorieux au second tour veut traiter le problème par des hausses massives de la fiscalité afin de punir les « riches » pour leur cupidité. Alors que la concurrence fiscale et sociale fait rage au sein de l’Union européenne et que la relance de l’économie dépend de la volonté des entrepreneurs et des investisseurs de rebâtir le « site de production France », une telle annonce ne peut qu’encourager ces créateurs de richesses à fuir le pays. Étrange paradoxe ! On veut développer les entreprises en punissant les entrepreneurs.
Pourtant François Hollande a bien identifié qu’il fallait encourager l’innovation tandis que Nicolas Sarkozy veut réduire le coût du travail. En réalité, il faut faire les deux !
Les entreprises du CAC 40 sont très internationalisées et les entreprises industrielles du CAC 40 font les deux tiers de leur activité et les trois quarts de leurs profits hors de France. Nous devons nous donner pour objectif de reconstruire derrière elles, un ensemble cohérent de 400 grandes entreprises internationales, à forte base française, qui puissent servir de fer de lance de la reconstruction de filières de production compétitives tandis qu’une politique fiscale et d’encouragement à l’innovation doit permettre l’essor de 4 000 puissantes ETI (entreprises de taille intermédiaire) qui permettront de mailler le territoire national de 40 000 PME dynamiques.
La croissance économique mondiale se territorialise : ce sont des métropoles puissantes et des districts régionaux dynamiques qui concentrent la création de richesses dans tous les pays du monde.
La France doit accélérer le redéploiement de son appareil de production en favorisant l’émergence de trois niveaux de métropoles pour servir d’écosystèmes de développement aux trois groupes d’entreprises précitées : trois grandes métropoles (Grand Paris, Grand Lyon, Grand Marseille), une douzaine de métropoles régionales à vocation européenne et une cinquantaine de grandes préfectures permettant de concentrer tous les systèmes de décision, d’information et de recherche, et de financement pour les mettre en synergie au service des trois groupes d’entreprises. Des régions rendues pleinement responsables des systèmes d’innovation et de financement territoriaux complètent ce dispositif de reconquête.
Tout est encore possible. Mais il faut décider et agir vite !
Christian Saint-Etienne
Christian Saint-Etienne est docteur d'État ès sciences économiques et titulaire de deux masters en économie (London School of Economics et Carnegie Mellon University). Il a travaillé au Fonds Monétaire International (FMI) et à l'OCDE. Christian Saint-Étienne est l'auteur de plusieurs livres dont France état d'urgence (janvier 2013) et L'iconomie pour sortir de la crise (septembre 2013).