Christian Morel avait publié en 2002 un ouvrage consacré aux décisions absurdes. En 2012, il publie un deuxième ouvrage consacré au même sujet mais dont le sous titre est « comment les éviter ». Il y énumère une dizaine de « métarègles de la fiabilité » dont le respect permet de limiter fortement le nombre des erreurs. Il les a dégagées en s’appuyant sur des expériences dans le domaine de l’aéronautique, de la santé, du management etc. En voici quelques-unes :

Collégialité : dans les organisations hautement fiables les subordonnés ont un grand pouvoir de décision. Dans les sous-marins nucléaires, les officiers ôtent leurs galons pendant la navigation afin que les matelots puissent dire ce qu’ils ont à dire.

Débat contradictoire : il faut éviter la polarisation autour d’une opinion majoritaire, la recherche de la bonne entente du groupe. Il faut  qu’un avocat du diable puisse s’exprimer.

Contrôle du consensus : ce n’est pas parce que tout le monde est ou semble d’accord que la décision est bonne : il faut vérifier si le consensus est véritable, faire s’exprimer l’opinion minoritaire.

Interaction fréquente et générale : les groupes où les communications sont courtes et fréquentes sont plus fiables que ceux où les communications sont longues et rares. La pratique des briefings et débriefings est efficace.

Non-punition des erreurs non intentionnelles : c’est un processus essentiel dans l’aéronautique, car le risque de punition dissuade les acteurs de faire connaître les problèmes. Par ailleurs la recherche des coupables interdit d’identifier les erreurs d’origine systémique.

Sécurisation du langage : répétitions, standardisations, confirmations, explicitations etc. Éviter l’abus des abstractions, recourir à des images parlantes ou à des maquettes, partager la check-list.

Résilience : tirer les leçons des erreurs qui ont été commises.

Dans la plupart des entreprises les métarègles de la fiabilité ne sont pas respectées : la légitimité qui confère le pouvoir de décision est refusée aux subordonnés ; la recherche du consensus parmi les dirigeants prime sur la qualité de la décision ; l’interaction entre la base et le sommet est rare, et prend la forme de longues documentations techniques diffusées de façon autoritaire du haut vers le bas ; toute erreur est interprétée comme une faute, et la recherche du coupable aboutit au sacrifice d’un bouc émissaire ; enfin, on préfère « laisser les cadavres dans le placard » plutôt qu’analyser les erreurs passées.

Ces métarègles vont toutes dans le même sens : l’organisation purement hiérarchique, où la décision s’élabore dans le cerveau d’un stratège solitaire, s’expose à l’erreur. La fiabilité s’obtient par l’écoute des agents opérationnels qui interviennent sur le terrain, par la communication fréquente – bref, par un commerce de la considération, condition nécessaire de l’efficacité.

cerveau-d-œuvre

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