Le mot « iconomie » désigne, rappelons-le, une économie et une société parvenues à la maturité en regard des possibilités qu’apporte l’informatisation comme des dangers qui les accompagnent.

Dans l’iconomie les tâches répétitives sont automatisées, qu’elles soient physiques ou mentales. La marche vers l’iconomie s’accompagne donc de l’automatisation. Faut-il pour défendre l’emploi taxer les robots, comme cela a été proposé dans un forum sur l’Internet ?

La production, en France, est moins automatisée qu’en Allemagne ou en Italie : taxer les robots ne ferait qu’aggraver ce retard. La mission de l’entreprise est d’ailleurs de produire efficacement des choses utiles et non de gérer une garderie de salariés. Il ne convient pas pour maintenir l’emploi de la contraindre à utiliser des techniques obsolètes : il faut plutôt multiplier le nombre des entreprises efficaces.

Mais la question reste posée : le plein emploi est-il conciliable avec l’iconomie ? Pour lui répondre on peut se référer à la théorie économique. Un fort chômage est, comme disent les économistes, un symptôme de déséquilibre, c’est-à-dire d’une inefficacité qui résulte de l’immaturité du comportement des entreprises et des consommateurs en regard de la réalité du système productif. Puisque l’iconomie est mûre par hypothèse, elle connaît le plein emploi, cqfd.

Une telle démonstration ne pourra bien sûr convaincre que ceux qui aiment les raisonnements formels. On peut cependant l’étayer par une comparaison : l’agriculture, qui employait 66 % de la population active au début du XIXe siècle, en emploie moins de 4 % aujourd’hui. Personne assurément n’aurait pu en 1800 prévoir quels emplois remplaceraient ceux que l’agriculture avait perdus ! Il est tout aussi difficile, aujourd’hui, de se représenter le futur.

Mais si les tâches répétitives sont toutes automatisées, où réside donc l’emploi dans l’iconomie ? Il se trouve dans les travaux de recherche et d’ingénierie qui précèdent la production, ainsi que dans les services qui permettent au consommateur de bénéficier des « effets utiles » du produit.

Or les travaux de conception, comme les services, sont confrontés à une nature physique, humaine et sociale extérieure à l’organisation de l’entreprise. Les salariés de l’iconomie doivent donc pouvoir faire preuve de discernement, de jugement, d’initiative, bref en bon français de débrouillardise. Il faut aussi que l’entreprise leur reconnaisse une légitimité qui corresponde aux responsabilités qu’elle leur délègue, qu’elle sache les entendre.

Tout cela suppose dans les organisations, dans les compétences et dans le système éducatif une évolution aujourd’hui à peine entamée et dans laquelle les institutions ne s’engagent qu’à reculons. La transition sera pénible : s’il est théoriquement certain, nous l’avons dit, que l’iconomie connaîtra finalement le plein emploi, il n’est que trop clair que le chemin vers l’iconomie passe par une période de fort chômage.

On comprend que cela fasse peur aux dirigeants et qu’ils hésitent à s’y engager. Pour atteindre le plein emploi à terme ils devront cependant y aller résolument, d’autant plus résolument qu’il faut tout faire pour réduire la durée de la transition – et pendant celle-ci il faudra limiter les souffrances que provoque un sacrifice humain.

Une telle politique ne pourra cependant être conduite que si la société dans son ensemble partage une vision claire, qui l’encourage à s’orienter vers l’iconomie.

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Michel Volle

Michel Volle (Polytechnique - ENSAE) économiste, a été responsable des statistiques d'entreprise et des comptes nationaux trimestriels à l'INSEE puis chief economist au CNET (Centre Nationale d'Etudes des Télécommunications) avant de créer des sociétés de conseil en système d'information. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages.