LE FIGARO, 20 décembre 2016 – par Christian SAINT-ETIENNE

La situation de la France n’est pas bonne. En dépit d’une punition fiscale de 70 milliards d’euros sur la période 2011-2014, le déficit public sera supérieur à 80 milliards d’euros en 2016. La demande de produits et services augmente mais ce sont les entreprises étrangères qui répondent à cette augmentation, la part des importations dans la consommation et l’investissement progressant fortement depuis quinze ans.

La croissance en 2017 ne sera pas forte, de l’ordre de 1,2% si tout va bien. Hors réformes significatives visant à relancer notre système productif, elle sera de l’ordre de 1,25% en rythme annuel au cours du prochain quinquennat s’il n’y a pas de nouvelle crise en Europe. Sinon, le rythme annuel pourrait tomber à 0,75%. La remontée des taux nous frappera d’autant plus que nous ne parviendrions pas à réduire le déficit public en-dessous de 1,5% du PIB contre une situation réelle de 3,5% du PIB en 2016, soit un effort de l’ordre de 45 milliards d’euros sur 2017-2018 qui ne peut être réalisé que par une baisse des dépenses publiques si l’on ne veut pas étouffer ce qui bouge encore en France.

Quelles sont les priorités du redressement à mettre en œuvre en 2017 ? Il y en a trois.

1/ Nous sommes depuis trente ans pris dans une Grande Transformation du système économique et politique mondial : la révolution fondamentale de l’informatique, et la pluie numérique qui irrigue notre société, transforment totalement notre système économique par l’iconomie, cette économie de l’informatique, de l’intelligence et de l’Internet. L’iconomie a déjà modifié 40% de notre économie et ce n’est qu’un début. Le capital est le carburant de cette révolution iconomique. En portant la fiscalité du capital à plus de 60% à l’automne 2012, quand elle est comprise entre 20 et 30% dans toutes les autres nations industrielles, F. Hollande s’est condamné à l’échec. Quel général enverrait ses armées au combat en rationnant le carburant ? Il faut donc remettre toute la fiscalité du capital et l’impôt sur les sociétés à 25% dès juillet 2017.

2/ La loi El Khomri votée cette année n’a pas permis de déverrouiller le marché du travail. Il faut impérativement modifier le contrat de travail, non pas en allant vers un contrat unique – cette fausse bonne idée traduisant la méconnaissance du réel -, mais en doublant l’actuel CDI, qu’il ne faut pas toucher, par un CDI à droits progressifs qui redonne de la souplesse au marché du travail. Il faut également généraliser au privé les contrats courts du service public (18 mois et trois ans). Cette loi doit être opérationnelle au 1er septembre 2017. Il faut garantir les contrats courts par une Caisse nationale de garantie pour leur permettre d’emprunter afin de fonder un foyer.

3/ Il faut surtout voter dès juillet 2017 une réforme constitutionnelle ambitieuse qui garantisse la pérennité des changements mis en œuvre. Il convient d’interdire le déficit de la Sécurité sociale, de changer le principe de précaution en un principe de responsabilité, d’instaurer une règle d’or[1] sur l’investissement net des collectivités locales et une règle d’or sur le cycle pour l’Etat, et de poser le principe que la fiscalité française ne doit pas s’éloigner de celle des pays européens comparables. Nous devons créer des « fondations productives » ayant pour objet de détenir des actions de sociétés industrielles et commerciales apportées par des personnes physiques qui n’en auraient plus la libre disponibilité pour des périodes très longues (8 à 12 ans). Aussi longtemps que ces conditions seraient respectées, les actions et revenus capitalisés dans les fondations seraient isolés du patrimoine personnel des personnes physiques ayant fait l’apport de leurs actions aux fondations productives. Ces fondations seraient le support d’un entrepreneuriat du long terme au service de la création de richesses et d’emplois sur notre territoire. Ces fondations seraient créées par un nouvel article de la Constitution. Ainsi, l’orientation de la politique économique en faveur de la production compétitive sur notre sol serait crédibilisée à moyen terme.

Ces trois priorités ayant été mises en œuvre en juillet-août 2017, on pourra alors s’attaquer aux nécessaires réformes de l’organisation des territoires, de la santé et de l’éducation dans l’année qui suivra. Un ministre de la réforme de l’action publique introduira une révolution managériale de cette action, qui n’a jamais été mise en œuvre depuis 1945, et mettra en place les outils d’une forte hausse de la productivité de l’action publique : il faut rétablir un Etat puissant qui dépense moins, en bloquant la dépense publique nominale au niveau atteint en 2018 au cours des années 2019-2022, au lieu de l’actuel Etat dispendieux et impuissant. Si cet Etat réformateur ne réduisait l’emploi public que de 300 000 personnes sur le quinquennat, c’est secondaire.

Rien d’efficace ne sera mis en place dans le prochain quinquennat qui n’apparaisse comme plausiblement pérenne.

A lire sur le site du Figaro (accès restreint)

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[1] La règle d’or des finances publiques est une règle de bon sens pour favoriser une croissance équilibrée à long terme : les acteurs publics ne doivent pas emprunter davantage que le montant de l’investissement net (investissement brut moins l’amortissement).

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Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne est docteur d'État ès sciences économiques et titulaire de deux masters en économie (London School of Economics et Carnegie Mellon University). Il a travaillé au Fonds Monétaire International (FMI) et à l'OCDE. Christian Saint-Étienne est l'auteur de plusieurs livres dont France état d'urgence (janvier 2013) et L'iconomie pour sortir de la crise (septembre 2013).