Une bonne nouvelle pour le commerce français ?

Le 18 mars 2015, en conclusion d’une rencontre avec François Hollande, Jack Ma, le fondateur et dirigeant de la plate forme chinoise Alibaba, captant 90% du marché chinois d’e-commerce, a annoncé qu’il ouvrira en octobre une « ambassade » à Paris afin que les entreprises françaises puissent utiliser sa plate-forme Internet pour commercialiser leurs produits en Chine.

Que penser de cette annonce ? Elle apparaît comme une bonne nouvelle dans une tendance de déséquilibre commercial croissant entre les deux pays. En 2000, le déficit commercial entre la France et la Chine, Hongkong inclus, était de 5,7 milliards. En 2013, il était de 25,9 milliards d’euros. Cette tendance déficitaire s’explique, selon la direction générale des douanes, par « la vive progression des importations de produits informatiques, électroniques et optiques, désormais assemblés en Chine ». Aujourd’hui, la Chine est le premier déficit commercial français devant l’Allemagne. Cependant, dans des points forts de la spécialisation française, les exportations vers la Chine ont progressé en 2013 : + 3,3 % pour l’agroalimentaire, + 13,4 % pour la santé et les cosmétiques, + 15 % pour ce qui relève de la ville durable et + 22 % pour certaines niches numériques.

Pour beaucoup d’entreprises françaises, l’implantation dans le marché chinois offre l’opportunité de vendre à une nouvelle classe de consommateurs urbains à haut salaires qui se comptent en plusieurs centaines de millions. Le goût de cette classe urbaine pour les produits de luxe français est connu. La qualité des produits français est un atout. Par exemple, celle de la poudre de lait destiné aux bébés. Dans le Finistère, porté à 90 % par l’agro-industriel géant chinois Synutra et à 10 % par Sodiaal, première coopérative laitière française, un investissement de 100 millions d’euros assurera la transformation de 208 millions de litres de lait par an pour le marché chinois, avec la création de 160 emplois.

L’annonce de Jack Ma s’inscrit dans un dialogue initié par Laurent Fabius, qui a fait de la « diplomatie économique » l’un des fers de lance de son action. En mai 2014, le gouvernement français avait signé un protocole d’entente avec le groupe Alibaba, dans le but de promouvoir les marques françaises en Chine et d’aider les PME françaises à s’implanter sur la plateforme de commerce électronique B2C Tmall.com, qui est sa filiale. C’est l’accès en un clic à plus de 300 millions d’acheteurs Chinois ! Suite à cet accord, les marques L’Occitane, Lancôme, Buccotherm, Orchestra (vêtements pour enfants), Villebois et d’autres ont fait leur entrée sur Tmall.com. Depuis, une centaine de marques françaises utilisent la « chaîne d’approvisionnement européenne d’Alibaba ». Les cavistes, les exploitations agricoles, les producteurs marins et d’autres fournisseurs de France et d’Europe proposent aux consommateurs chinois la livraison directe de produits frais comme du fromage, du vin rouge, du foie gras, des huîtres, des desserts et des chocolats de la Saint-Valentin.

La rencontre de deux cultures

Pour connaître le parcours de Jack Ma, le fondateur d’Alibaba : Jack Ma Davos: I was rejected by Harvard 10 times !

Pour rendre sa plateforme de vente Tmall.com accessible, Alibaba a confié à Neteven, société française spécialisée dans l’interconnexion, l’agrégation des flux et la traduction, l’intégration des catalogues des marques françaises. Tmall.com de son côté a mis à disposition des équipes chargées des questions juridiques mais aussi de trouver des prestataires pour organiser le stockage, les transports des colis, les réclamations etc.

Les marques européennes vont pouvoir vendre en Chine directement depuis l’Europe. Cela concernera même celles qui n’ont pas leur propre réseau de sous-traitants dans le pays », affirme Greg Zemor, ancien d’eBay et fondateur de Neteven. Cependant, Alibaba s’est bien gardé de confier à la société française l’exclusivité de ses opérations en Europe. « C’est la première collaboration de cette nature avec une entreprises française BtoB », annonce une porte-parole du groupe, qui précise : « nos collaborations sont ouvertes et il appartient entièrement à chaque marque de choisir le tiers de leur choix.

Il parait évident que Tmall.com, filiale d’Alibaba, est la porte d’entrée du marché des consommateurs urbains chinois. L’utilisation des réseaux de distribution chinois évite d’investir dans des équipes de vente et des boutiques dont le succès est incertain. Ainsi, l’enseigne Paul a dû fermer ses 7 boutiques, à cause d’un différend avec son franchisé qui ne respectait pas les standards imposés par la marque. Dans un réseau unique, une nouvelle culture marketing est partagée de facto entre chinois et européens. Servir à toute heure. Faciliter le shoping en gardant les enfants le soir. Multiplier les accès réservés, les adresses pour initiés et les parcours initiatiques. Créer des éditions limitées vendues dans une seule et unique boutique. Divertir sur le point de vente. Créer des expériences inoubliables. Tester les produits avant achat. Raconter des histoires interactives sur le web. Mettre en scène les marques dans des minis séries télé et cinéma. Se réapproprier le passé. Enseigner les bons gestes de maquillage. S’initier aux subtilités des parfums. Eduquer aux valeurs du luxe et du savoir-faire artisanal. Epouser les codes populaires avec des décors de lampions rouges ou des d’accessoires inspirés du folklore traditionnel chinois. Célébrer le goût des Chinois pour la poésie, la féérie, l’onirisme, le mélange des genres et des styles.

La nécessité d’une analyse stratégique

Au delà de la bonne nouvelle, une analyse stratégique s’impose. Que gagnons-nous ? Que perdons-nous ? Au plan financier, tel l’ancestral gardien de l’accès par le pont, Alibaba est le seul bénéficiaire de la commission de service facturée sur chaque transaction. Ce qui différencie le réseau internet du pont en pierre est la quasi gratuité de l’augmentation du flux passant par le réseau. Il est coûteux de bâtir un second pont. Par contre, une fois mis au point, un logiciel de gestion de transactions peut servir aussi bien 1000 clients que 1000 millions de clients. Donnons-nous des ordres de grandeur. Au regard d’un développement logiciel de 1 million d’euros, pour 1 euro de commission moyenne pour 2500 millions de transactions sur 5 ans, le montant total du profit s’élève à 2499 millions d’euros !

Le coût marginal d’une nouvelle transaction est négligeable. Alibaba, pour augmenter son profit, doit simplement respecter deux règles : laisser à d’autres le coût d’implantation et de gestion des plates formes logistiques, et augmenter le nombre de transactions en faisant se rencontrer de nouveaux fournisseurs et acheteurs.

Ces deux règles se retrouvent dans le terme « d’ambassade » utilisé par Jack Ma. Il s’agirait juste d’un lieu pour se rencontrer et se connaître mutuellement. En l’occurrence, il semblerait que la Poste prendrait en charge l’implantation d’une plate forme logistique en France. Nos dirigeants ont-ils mesuré les espérances de profit de l’e-commerce franco-chinois ? Ont-ils évalué le potentiel des dangers pour l’économie française de cette « ambassade » ? La quasi gratuité de la production numérique est, à condition d’être le premier à agir, le levier d’un monopole sur un e-marché. Si nous donnons à Alibaba la facilité de devenir un monopole, alors tout le profit du marché européen des transactions économiques ira à la Chine.

Business Success Documentary - Story of Alibaba & Jack Ma - From Start till Now!!

L’économie Internet : des mécanismes puissants mais méconnus

Comprenons comment se développe ce monopole. L’économie Internet sort du cadre des doctrines économiques classiques. Elle est régie par l’effet de réseau. Au début du réseau, il y a une transaction initiale : un fournisseur B vend un produit à un client C1. Puis C1 vante le produit auprès d’un autre client C2, qui l’achète, en est content, et pousse un troisième client C3 à l’acheter. Il apparaît une dissymétrie entre les connaissances des relations économiques. D’un coté, la relation BtoC induit une connaissance simple : ce que B et C peuvent partager l’un avec l’autre. De l’autre coté, le réseau des relations BtoC1toC2toC3 induit des connaissances complexes, qui ne peuvent se structurent qu’à l’aide de logiciels d’analyse des données. Un seul acteur a accès à ces connaissances complexes, en stockant et analysant les traces des relations et des transactions : c’est l’initiateur de la plate forme d’e-commerce.

La maîtrise des données BtoC1toC2toC3 (les Big Data) est un enjeu clé, car leur possession permet de comprendre les clients et les facteurs d’influence le long de la chaîne C1toC2toC3. L’enrichissement de l’expérience client permet de développer la chaîne en C3toC4toC5toC6. Une personne qui veut acheter un produit ira de préférence là le chaînage des clients est le plus dense : c’est l’effet d’attractivité. Première conséquence : il est difficile pour une seconde plate forme concurrente de s’implanter, car il faut investir beaucoup de marketing et de communication pour créer une attractivité équivalente. Seconde conséquence : en orientant le développement des chaînes d’influence, en négociant la vente des connaissances complexes, la plate forme est en mesure d’arbitrer entre différents fournisseurs B. Les mêmes effets de réseau et d’attractivité interviennent dans les transactions BtoB.

La plate-forme n’a donc pas intérêt à offrir gratuitement de l’attractivité à une marque. Par exemple, si une entreprise choisit d’ouvrir une boutique en ligne sur Tmall.com, elle n’aura qu’une marge de manœuvre réduite en ce qui concerne son « look and feel » et la convivialité apportée à l’expérience utilisateur. Les e-détaillants dont les ventes reposent pour beaucoup sur une image et une identité fortes (mode, luxe, alimentaire) se plaignent qu’Alibaba restreigne leur capacité à créer une expérience client en ligne satisfaisante et surprenante, comme le permettrait un site internet dédié.

En utilisant Tmall.com, les détaillants autorisent Alibaba à gommer la relation entre la marque de l’entreprise et les clients mobiles. Ils perdent alors l’expérience client élaborée au fil du temps, et la possibilité de gérer et d’influencer directement le parcours d’achat du consommateur.

La contrepartie est que tous les déposants d’Alibaba ne peuvent pas afficher leur marque en affichage direct. Ils sont dépendants de la « marque ombrelle Alibaba ». Dans un site comme Tmall.com, la stratégie marketing est celle de la marque-ombrelle, mettant en avant certains produits et en reléguant d’autres en arrière plan. Laurent Fabuis est allé demander à Jack Ma non seulement d’intégrer les produits français au Catalogue de Tmall, mais aussi de les mettre en avant.

L’essor du shopping mobile via le smartphone ou la tablette complique la maîtrise des données client. La Chine, premier marché mondial du smartphone, a enregistré plus de 27 milliards de dollars de ventes réalisées via appareils mobiles en 2013. Le shopping mobile oblige à penser la relation client sur tous les canaux relationnels, électroniques comme physiques (magasins, médias papier, produits distinctifs). Ce qui semble propre aux réussites d’Auchan et de Carrefour est le développement concomitant de leur Marque propre en omni-canaux, de leurs effets de réseau et effets d’attractivité, aussi bien en Europe qu’en Chine. De fait, ils ne peuvent se développer qu’ hors d’Alibaba. Ils se retrouvent dans une position concurrentielle délicate.

Alibaba, telle une vague de fond qui capterait le e-commerce français

Alibaba est aujourd’hui mis en position de générer et de tracer un réseau qui va tisser des liens entre tous les acteurs économiques Chine / Europe. La réversibilité des marchés est inévitable. Déjà, des entreprises françaises créent en Chine des produits qu’elles vendront en Europe : Hermès développe en Chine la marque chinoise Shang Xia, pour la vendre à Paris. Aux nouvelles entreprises françaises vendant en Chine, des entrepreneurs chinois proposeront des affaires. Des produits chinois déjà vendus en Europe seront re-customisés et plus attractifs : bonjour la croissance du déficit commercial ! Dans quelques années, imaginons ce scénario : via Tmall.com où leurs catalogues respectifs seront hébergés, des entreprises françaises vendront et achèteront à des entreprises françaises. Tout le e-commerce français sera supporté et réglé par une entreprise chinoise.

Voilà les questions : est-ce qu’à terme, toutes les entreprises françaises commerceront par cette plate-forme ? Est-ce que Alibaba sera l’arbitre du commerce des produits européens ? Est-ce que les investissements de marque seront perdus ? Est-ce que Alibaba aura le monopole des transactions commerciales en Europe ? Est-ce que la plus grande partie des profits tirés des transactions sera externalisée hors d’Europe ?

Au service du petit commerce : les spécificités d’Alibaba

Le challenger d’Alibaba en Chine ne réalise que 10% des transactions d’e-commerce, contre 90% à Alibaba. Effectivement, Alibaba est un bon exemple de la concurrence dominée par quelques monopoles, que l’économiste Michel Volle nomme « concurrence monopolistique ».

Alibaba ressemble à Google, amazon, ebay : ils sont les initiateurs d’un effet de réseau et les générateurs d’effets d’attractivité. Tous ils donnent une place, une visibilité au plus petit acteur, à la plus petite ressource documentaire. Ce sont des catalogues où il faut pêcher en deux temps : lancer et ramener le filet, trier les prises.

Ce qui est original dans le cas d’Alibaba, est son rôle d’impulsion de l’économie chinoise. Cette plate-forme fait « exister » des fournisseurs sur tout le territoire chinois. Il les classe en rubriques, il les oblige, via un système de formulaires, à décrire leurs produits, leurs moyens de productions à s’engager sur des normes de qualité. Il va même à leur consentir des micros crédits, pour impulser leur développement économique. Les fournisseurs, au delà de se faire connaître dans leur propre région, peuvent se comparer entre eux, découvrir des absences de tels ou tels produits dans telle aire de distribution, etc.. Il leur fournit son propre système de paiement en ligne, Alipay. Vendre sur internet est accessible au plus grand nombre. La formule de Jack Ma à la dernière rencontre de Davos est « Notre mission est de venir en aide au petit commerce ».

Lors d’une intervention au forum de Davos, le fondateur du groupe Alibaba, a annoncé que son groupe ne se cantonnait plus à la Chine et voulait s’adresser aux consommateurs et aux fournisseurs du monde entier. Il vient de créer une version internationale de sa salle de marché, qui sera utilisé dans un premier temps par la diaspora chinoise. Jack Ma a martelé sa volonté de mondialiser son entreprise. « Ce à quoi je réfléchis, c’est comment transformer Alibaba en plateforme adaptée au petit commerce mondial. Aujourd’hui, internet permet aux petits commerces de vendre des produits au-delà des océans, dans d’autres pays. Et j’espère que nous réussirons à terme à toucher deux milliards de consommateurs. Nous avons la possibilité de venir en aide à dix millions de petites entreprises hors de Chine ». Comparant sa vision du commerce en ligne à une sorte d’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) il ne cache pas son ambition de devenir plus gros que Walmart, le numéro 1 mondial de la distribution.

Les atouts que la France peut mobiliser via Internet

A l’heure actuelle, les marchands occidentaux ne peuvent pas se permettre d’exclure Alibaba de leur stratégie commerciale en Chine. En effet, Alibaba constitue un moyen très efficace de se faire connaître du consommateur chinois et de susciter l’acte d’achat. Que pouvons-nous faire ?

Freinons l’essor d’Alibaba comme monopole ! Cantonnons Alibaba au commerce avec la Chine ! Fabriquons une alternative forte qui détourne les entreprises des facilités de Tmall.com ! Pour créer une concurrence, nous devons utiliser et combiner l’effet de réseau et l’effet d’attractivité. Nous disposons de trois atouts pour provoquer l’effet d’attractivité : la culture française, l’exigence de la qualité intrinsèque du produit, la confiance dans les marques. Cela ne suffit pas de traduire un texte mot à mot entre deux langues : dès qu’un produit est complexe, l’explication du fonctionnement et l’attention aux détails clés recourent à un arrière plan culturel qui doit être commun aux eux interlocuteurs. Les chinois ont le goût de la poésie, de la féérie, de l’onirisme, du mélange des genres et des styles. Mais, lorsqu’un produit est acheté pour le rêve qu’il produit, la porte est ouverte aux fraudes et aux dysfonctionnements. En France, en Europe, les normes régissent la qualité du produit, les fraudes sont punies. Enfin, depuis la seconde guerre mondiale, la France a bâtit avec soin des marques qui symbolisent des expériences clients, des usages, des habitudes, des évolutions de comportements.

Donc, nous pouvons cantonner l’essor d’Alibaba en attirant et regroupant les clients français et européens sur des sites Internet renouvelés : en enrichissant nos marques par une relation client attentive et disponible, en expliquant clairement nos produits et leurs utilisations, en mobilisant nos références culturelles de façon créative.

Développer l’effet de réseau comme support de l’effet d’attractivité

Cependant, l’effet d’attractivité soit être supporté par l’effet de réseau. L’enjeu est de maintenir à la fois la continuité et l’homogénéité de la relation entre le client et le marchand, ainsi que la relation entre le client et ses proches. La croissance du ‘shopping’ par différents canaux (mobile, magasin, site internet, réseaux sociaux, centre de contacts) est assuré par une plateforme qui relient les différents canaux empruntés par le client lors de son parcours d’achat, et qui permettent au détaillant de bâtir une expérience client (prix, ‘look-and-feel’, contenu) cohérente, contextuelle et pertinente. La gestion des produits et des stocks est aussi une composante importante de l’effet de réseau dans le commerce omni-canaux. Le marchand qui possède plusieurs sites internet dans plusieurs langues et sur différents marchés, a besoin de mettre à jour des informations produits et clients en une seule fois, et de répercuter celles-ci immédiatement sur l’ensemble des canaux. Dont le canal Tmall.com, un parmi les autres.

L’effet de réseau exige que chaque nœud du réseau ait une puissance égale à un autre nœud. Chaque nœud doit pouvoir développer des relations avec tous les autres nœuds. L’enjeu n’est pas seulement technique, il est avant tout culturel, et également juridique. Concrètement cela veut dire qu’un client peut s’adresser aussi bien au fournisseur qu’au distributeur ; que les fournisseurs coopèrent entre eux ; qu’un distributeur se coordonne avec d’autres distributeurs. Au plan de la représentation, c’est comme si des morceaux de filets, des bouts de texture, se formaient. Puis il faut concevoir qu’ils se superposent les uns aux autres dans un patchwork, dans une tapisserie hétérogène. De nouveaux concepts marketing approchent cet effet de réseau : « le modèle d’affaire », « l’empreinte de la marque », « la proposition de valeur au client », Ces coutures faisant tapisserie sonnent le glas du concept théorique de « marché comme interactions d’individualités » et en pratique appellent des nouvelles règles juridiques. Tous les intermédiaires qui régentent les marchés existants ont à réinventer leurs rôles économiques.

Prenons l’exemple de la fidélisation du client. A première vue, elle relève de l’effet d’attractivité : je préfère acheter une marque parce j’ai souvent acheté cette marque dans le passé. L’habitude crée une attirance. Cependant, il faut une seconde condition : tous mes achats ont été satisfaisants au plan relationnel. Je n’ai pas été seulement un client, mais avant tout une personne. La relation entre vendeur et client s’est solidifiée comme une relation entre un « nœud vendeur » et un « nœud client ». L’effet réseau ne se produit que chaque « nœud » bénéficie d’une égale considération.

C’est là que réside un point crucial dans le cantonnement de l’expansion d’Alibaba. Des marques françaises fortes garantissent la fidélité des clients. Mais si les fournisseurs français trouvent plus de respect et de considération de la part de Jack Ma que d’Auchan ou de Carrefour, s’ils accèdent à faible coût au marché chinois, et même au marché mondial, alors le monopole d’Alibaba deviendra sans partage.

Développer l’e-commerce en développant un dialogue franco-chinois

Le développement que nous suggérons aux sites marchands français ne doit pas se comprendre comme une ‘ligne Maginot’ entre deux univers culturels. Au contraire, il faut envisager un dialogue approfondi combinant compréhension et reformulation. Du coté du ‘Dialogue dans l’univers France’, on pourrait imaginer une transposition en français des présentations des produits français figurant au Catalogue de Tmall.com. On peut proposer la mise en place d’une plate-forme d’e-commerce franco-chinoise qui permette aux consommateurs français de connaître les produits chinois, de les comparer et de les acheter dans des conditions de respect de la qualité et de sécurité des paiements.

Pour mener le ‘Dialogue dans l’univers Chine’, le préalable est l’apprentissage de la langue chinoise. Aujourd’hui, 48.000 personnes se forment au chinois en France. Ensuite, il faut mener des études historiques sur l’Art du commerce et des échanges en Chine. Rappelons que la civilisation chinoise est vieille de 4000 ans. Qu’aux 17ème et 18ème la Chine était l’usine du monde des produits de luxe. Nos méthodes de gestion, nos dichotomies dans l’organisation et le management viennent surtout des Etats Unis. Sans aucun doute, nous avons à apprendre à « gérer, organiser, manager chinois ».

Les clients chinois souhaitent des expériences clients difficiles à concevoir pour les français. Le service au client est un impératif maximum. Le respect des attributs d’âges guide la relation. Le luxe est une façon de ne pas parler d’argent. Le produit est tel un héros dont on partage l’histoire. Le produit est testé avant d’être payé. Durant ces prochains mois, pour un marchand français, la mise en place d’un produit sur Tmall.com doit être considérée comme le début d’une démarche d’initiation à la Sagesse et à la Vie des affaires.

Francis Jacq

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Francis JACQ

Francis Jacq a conduit la reconversion des opératrices lors de la robotisation de Bull. Il a créé et développé la première formation française de calibrage et de pilotage des projets à Entreprise et personnel. Il a animé l'informatisation du journal le Monde. Il a mis en place la gestion du portefeuille des projets d'Air France. Il a créé et déployé le premier intranet Kifékoi Orange France. Son objectif actuel : conceptualiser l'iconomie.