L’Institut de l’iconomie analyse l’impact sociétal de la révolution digitale sous tous ses aspects.  Nous avions déjà souligné l’importance du travail de Shoshana Zuboff « The age of surveillance capitailism« , publié en 2019, ou de « Nexus » , d’Harari, paru en 2024.

Il est certain que le système capitaliste fondé sur l’exploitation massive et gratuite des données représente un changement de paradigme que nous avions eu la prescience d’appeler « iconomie », sans nécessairement mesurer que cela pouvait devenir ce que da Empoli appelle un techno-césarisme. Il faut donc continuer à travailler pour comprendre.

Réduit à l’essentiel, le projet politique techno-césariste peut être décomposé en deux phases.

(extrait pp. 12-13).

D’abord, la machine à chaos des réseaux sociaux et autres outils numériques sape de l’intérieur les fondements mêmes des démocraties libérales. Le débat public sort des espaces réglementés dans lesquels il se déroulait pour rejoindre une sorte de Somalie numérique où les seules règles sont celles imposées par les seigneurs de la guerre, les propriétaires des grandes plateformes, qui remplacent l’opinion publique par un assemblage de tribus ennemies et multiplient leur fortune au passage. Cette phase implique l’élimination des anciennes élites modérées, sociales-démocrates et libérales qui ont gouverné nos sociétés jusqu’à présent, et leur substitution par des leaders extrémistes qui amplifieraient encore plus la déconstruction des institutions démocratiques et de tout ce qui pourrait freiner l’accélération en cours.

Passé cette première phase, la théorie du bonheur du techno-césarisme se révèle dans toute sa splendeur. Elle implique l’adhésion des masses à un nouveau Léviathan, la machine algorithmique gouvernée par l’intelligence artificielle qui résoudra tous les problèmes de l’humanité, laissant présager un avenir d’abondance illimitée. Si Hobbes concevait déjà son Léviathan non pas comme une créature abstraite mais comme un corps physique, un « homme artificiel » ou, mieux, un « Dieu mortel », les techno-césaristes vont plus loin, en imaginant un Léviathan dont la domination s’étendrait au-delà des frontières de la Terre, en colonisant l’univers, et au-delà des frontières de la vie humaine, en vainquant la mort. En attendant que cet avenir radieux se réalise, le projet prévoit que les masses se soumettent à un régime de contrôle absolu, qui surveille et oriente chacun de leurs mouvements, afin que le fonctionnement de la société dans son ensemble, et de chacun des individus qui la composent, se conforme de plus en plus à celui de la machine.

4e de couverture

Sur la scène : Donald Trump, Vladimir Poutine, Xi Jinping. Une fébrilité planétaire – le risque d’une déflagration mondiale. Le spectacle est impressionnant, mais que se passe-t-il vraiment dans l’ombre ?
Une transformation profonde est en cours. Il est devenu urgent de la comprendre. Des idéologues du Kremlin aux techno-césaristes de la Silicon Valley, de nouvelles élites cherchent à forger des empires. La puissance de feu, matérielle et intellectuelle, du projet qui s’impose depuis la Maison-Blanche est incontestable. Comme toujours en pareil cas, ses partisans ont tendance à le présenter comme inéluctable.
Mais l’acharnement avec lequel ils s’en prennent à l’Europe nous dit qu’ils la considèrent tout de même comme un obstacle à la mise en œuvre de leurs plans. S’en rendre compte, c’est prendre conscience que nous avons davantage de pouvoir que nous l’imaginons et construire un avenir alternatif.
Le point de départ doit être le refus de la soumission. Puisque le défi est philosophique et culturel, toute résistance commence par la connaissance.
C’est ce qui fait de ce quatrième volume de la revue un vademecum nécessaire à tout citoyen convaincu que la vassalisation heureuse ne peut pas être sa destinée.
Giuliano da Empoli

Avec les contributions de Daron Acemoglu, Sam Altman, Marc Andreessen, Lorenzo Castellani, Adam Curtis, Mario Draghi, He Jiayan, Benjamín Labatut, Marietje Schaake, Vladislav Sourkov, Peter Thiel, Svetlana Tikhanovskaïa, Jianwei Xun, Curtis Yarvin.

Le Grand Continent, revue née en ligne et portée par une nouvelle génération, s’est imposé comme la plateforme de référence pour le débat stratégique, politique et intellectuel à l’échelle continentale.

L’Empire de l’ombre. Guerre et terre au temps de l’IA, Le Grand Continent (tome 4) Giuliano da Empoli

cerveau-d-œuvre

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Jean-Pierre Corniou

Ancien DSI d'entreprises industrielles comme Renault, ancien président du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises), ancien Président d'EDS Consulting et chantre de la gouvernance en France, Jean-Pierre Corniou est aujourd'hui directeur général adjoint de SIA-Conseil.